Un Paris à senteurs d’automne, avec ses marronniers aux feuilles flétries d’humiditéToile de fond bigarrée, le Saint-Germain-des-Prés de ma toute dernière jeunesse.Ciel ardoise où se découpe le vieux clocher. Ciel griffonné de craie aux volutes bleues et roses des nuages. Et ce pavé mouillé où clapotent mes petits talons.Frémissantes flaques d’eau mordorées. Les vitrines des Deux Magots se teintentde la couleur du thé. L’écharpe de tulle vole au vent. Sur le coin du boulevard, quelques badauds entourent un joueur de saxo. Les notes frissonnent. Les piècestombent, sourdes, dans un béret. Je me hâte vers un rendez-vous. Vers ce lien étrange dont souffre ma mère. Un long fil invisible me mène vers elle, là-bas. Légère, transparente mon âme est entre ses mains. Elle me l’a prise. Un pied dans la réalité, l’autre dans le rêve… je vais.
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« On met très longtemps à choisir les lieux qui nous correspondent… Un jour vous trouverez, vous aussi ! »
La fontaine où elle m’avait donné rendez-vous, le bassin, la rotonde… Chaque endroit devenait une phrase.
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À Saint-Germain-des-Prés, j’élevais toujours un regard vers le clocher puis reprenais avec hâte la rue Bonaparte, la rue Jacob, la rue des Saints-Pères avec ses appels d’air, la rue de Lille.
Le hall de l’immeuble ressemblait à celui d’un château : le damier noir et blanc du sol, la grande porte vitrée, les premières marches en marbre
blanc, puis l’escalier avec sa rampe vernie aux courbes souples, son tapis rouge et ses fenêtres aux vitraux colorés. Je m’arrêtais au troisième étage, devant la porte gris perlé, à double
battant. La clef glissait dans la serrure…
Je gagnai en titubant la place de la Bastille. Le monde me tombait dessus. Tandis que le génie sur sa colonne lançait une jambe vers le ciel, je baissais les yeux sur une tasse de café derrière la vitrine d’une terrasse, dans l’attente du temps qui passe.
Un temps froid sous un ciel bleu menthe nous faisait porter les mains à nos cols.
La longue avenue des Champs-Elysées rayonnait sous le tissage d’or de l’automne. Hautaine, la place de la Concorde trônait dans la mélancolie de sa solennelle beauté. La pierre et l’eau se cuivraient de rose. Un sang glacé coulait dans mes veines. L’âme à l’envers, j’errais à la façon d’un somnambule. Je ne sentais plus mes jambes ni n’entendais les feuilles craqueler sous mes pas. Les sons s’éloignaient. Les pensées se réfugiaient dans l’indifférence résolue. Et dans le lointain, les arches des ponts courbaient l’échine sous la pierre grise et mauve. La Seine coulait immuable.
Les feuilles dorées inscrivaient l’automne au fond de notre
cœur et mon père au plus profond de la terre. Réunies par le sentiment insolite de l’ailleurs, sans mot, notre regard lissait la pierre tombale dans l’incohérence d’une vie qui se
terminait là...
....Je détestais le cimetière du Père-Lachaise. Promeneurs fugitifs, visiteurs des défunts. Les têtes s’inclinaient. Prières humides, roses blanches et chrysanthèmes… Dieu se
taisait.
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Le soleil rouge s’était couché depuis longtemps sur le sombre zigzag des toits et des antennes. Paysage incertain de marée trempé d’encre violette…